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Joséphine Daniel : un souffle nouveau sur les carrières du Béarn
Joséphine Daniel, 40 ans, a pris la suite de son père Jacques à la tête du groupe familial.
Installé à Lescar mais rayonnant sur tout le sud-ouest, le groupe Daniel est spécialisé dans l'extraction de carrières et la production de matériaux de construction. Depuis sa prise de relais, Joséphine Daniel s'efforce d'imprimer un virage vert à l'entreprise, et impose son propre style de management.
Un portrait signé placeco.fr
Reprendre l’entreprise familiale n’était pas un destin tout tracé pour Joséphine Daniel.« J’ai un grand frère et une grande soeur, raconte la PDG du Groupe Daniel, dans son bureau de Lescar. Ce n’était pas une évidence, ni pour ma famille, ni pour moi ». Mais après des études scientifiques à Toulouse et à Paris (Math Sup, Math Spé et une école d’ingénieurs), « mon père m’a proposé de venir découvrir l’entreprise ». Il n’est, alors, pas encore question de succession. « Pour moi, je n’allais pas rester, souligne-t-elle. J’étais très jeune, je sortais d’école d’ingénieurs, j’avais prévenu mon père qu’après, je rentrerais à Paris ». Mais « j’y ai vraiment trouvé un intérêt : en tant qu’ingénieure, tout ce qui était production et exploitation des matériaux me nourrissait. Au bout de quelques mois, j’ai décidé de rester, et mon père m’a proposé de me former pour devenir, un jour, directrice générale ». La décision ne pose aucun problème à son frère et sa soeur. « Ils s’y destinaient au début, et puis finalement s’en sont éloignés, raconte Joséphine Daniel. En fait, ils ont un peu suivi le chemin inverse du mien. Tout ça s’est fait naturellement. »
Naturellement, mais pas facilement. Jacques Daniel, son père, lui concocte un parcours de formation « sur mesure », aussi complet qu’exigeant. « Je suis passée par tous les postes, se souvient la présidente du groupe. J’ai fait de l’informatique et de la communication, j’ai été commerciale. J’ai produit du béton, j’ai été à côté des responsables des installations sur les gravières, pour apprendre à faire des cailloux. J’ai fait des tirs d’explosifs sous la neige… »
Pas de traitement de faveur
Une façon de se former au contact des salariés, mais aussi d’acquérir une légitimité vis-à-vis d’employés possédant parfois des décennies d’ancienneté dans le groupe. Mais, raconte Joséphine Daniel, la transmission s’est, là aussi, faite naturellement : « Ces personnes-là sont dans l’entreprise depuis des années, ils ont énormément travaillé avec mon père. Pour eux, je pense que c’était une fierté, l’idée de former la nouvelle génération, de me transmettre leurs savoirs pour m’aider plus tard. Je ne sais pas si cela se serait aussi bien passé avec des gens de mon âge. » Au bout de plusieurs années à alterner bureau et terrain, son père la nomme à la direction commerciale, puis à la présidence de Bétons contrôlés du Béarn, l’une des entités du groupe. « En même temps que je prenais la présidence de Bétons contrôlés du Béarn, j’ai pris la la direction générale du groupe. Puis après, petit à petit, la présidence du groupe ».
Tout au long de ce parcours, une constante : aucun traitement de faveur à attendre de son père… au contraire. « Il était plus souple avec ses collaborateurs qu’avec moi, à un moment donné ça a été très très très dur, se souvient-elle. Je pense qu’il a essayé de me pousser toujours à bout, pour voir de quoi j’étais réellement capable, quelle était ma force et mon mental. Aujourd’hui, on a trouvé un équilibre, une harmonie familiale et professionnelle… mais c’est récent. »
La relève de la garde
« Il y a trois ans, le bras droit de mon père est parti à la retraite, reprend Joséphine Daniel. C’a été l’élément déclencheur, mon père m’a dit que c’était le moment pour lui de prendre du recul et que je devienne présidente. » Sa fille accepte, mais pose une condition : « Je veux avoir l’autonomie et la prise de décision totales. Du coup, depuis deux ans, j’ai effectivement cette autonomie parfaite. Mais je peux toujours lui demander conseil, voir avec lui comment ça se passait avant. Bien sûr, entre la réglementation qui change, le climat social et les mentalités qui changent aussi, forcément, nous sommes obligés de nous adapter et d’évoluer. »
Plus question, par exemple, de manager « à l’ancienne », comme le faisait son prédécesseur de père… « J’essaie d’être assez bienveillante, de manager avec humanité, d’être à l’écoute de mes collaborateurs. Même si je suis aussi quelqu’un de très cash, je dis les choses comme je veux qu’elles soient, parfois sans diplomatie. » Joséphine Daniel est aussi la première femme à la tête de l’entreprise familiale. Dans un secteur encore très masculin, « ça change quelque chose. Il faut que les gens s’habituent. Même si l’on est en 2024, il y a encore beaucoup de chemin à faire par rapport à l’égalité hommes-femmes », regrette-t-elle.
Se retrouver, à 40 ans, à la tête de l’entreprise familiale pour la quatrième génération consécutive n’a pas l’air d’intimider l’héritière plus que cela. « En fait, je vois davantage cela comme un challenge personnel et professionnel, pour moi et uniquement pour moi. Toute ma vie s’est tournée pour avoir un mental d’acier, pour pouvoir affronter les difficultés d’une entreprise, de la prise de décision. Le stress, je le vis au quotidien, mais pas sur le long terme, je n’ai pas cette peur de me planter. Je sais que je fais de mon mieux, que je suis bien entourée. Et si ça se passe mal, je saurai que j’ai fait mon maximum. »
Et transmettre après elle ? Joséphine Daniel hésite un temps, laisse échapper une moue négative. « C’est encore un peu tôt pour se prononcer, elle a 7 ans », répond-elle ensuite*. « Et puis, je trouve qu’aujourd’hui, l’entreprise a encore un avenir, une histoire à raconter »*. Un avenir qui passe, selon elle, par « l’innovation, la recherche et développement, la décarbonation… ». Autant de sujets sur lesquels le groupe Daniel investit beaucoup depuis que la quatrième génération en a pris la direction. « Une fois que j’aurai fait cela, reprend-elle, je ne sais pas s’il y aura une autre histoire, un nouveau challenge, qui animera ma fille. » Puis, après une autre hésitation : « D’autant plus que je veux être une maman à l’écoute de sa fille, lui dire "ma fille, tu fais ce que tu veux, sois heureuse et kiffe surtout ta vie". Moi, j’ai senti que mon père avait envie de transmettre, si je n’avais pas repris, il aurait été déçu. Ma fille a sept ans aujourd’hui. Je ne lui en parlerai pas. Elle envisagera son propre épanouissement ».
Léo Vidal-Giraud pour Placéco / Ambassadeurs du Béarn
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