
Labarrere 1773 : quand le Béarn devient spiritueux
Sur les hauteurs d’un village béarnais, un technicien a troqué les turbines pour un alambic. Son pari ? Faire renaître la ferme familiale en distillant un whisky qui porte en lui toute l’âme du territoire.
De l'électrotechnique au terroir : un virage assumé
Après presque deux décennies passées à travailler dans l’électrotechnique, entre la France, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande ou encore la Nouvelle-Calédonie, c'est finalement au cœur de ses racines béarnaises que Romain Selle a décidé de revenir. Formé en production électrique, il termine son parcours chez EDF, au plus près des turbines hydroélectriques du département. Mais derrière cette carrière technique brillante, un autre courant le traverse : celui d'un attachement profond à la terre familiale.
Né et ayant grandi sur la ferme de ses grands-parents, à Saint-Médard, il garde en mémoire les vaches, les cochons, les canards et les hectares de céréales. Une structure polyvalente, aujourd'hui en mutation. "En trois générations, on est passé d'une ferme qui faisait vivre cinq personnes à une ferme qui ne permettrait plus aujourd'hui de salarier une seule personne sans activité annexe."

Le déclic écossais : quand l'alambic s'invite dans les champs
C’est lors d’un voyage en Écosse, en 2015, que l’idée prend forme. Sur place, il découvre avec fascination l'univers des distilleries. Le whisky, qu'il appréciait en simple amateur, prend une toute autre dimension. Il y décèle un lien inattendu entre ses compétences techniques et son héritage agricole : le process industriel précis, rigoureux, combiné à la noblesse du vivant.
« Je n'avais jamais fait de chimie ni de biologie. Mais cette boîte noire entre l'orge et le whisky m'a obsédé. » Il se forme en autodidacte, achète un petit alambic, expérimente, échoue, recommence. « Je croyais savoir, puis j'ai compris que je ne savais rien. »
Il lui faudra plusieurs années pour maîtriser les équilibres du vivant : températures, pH, enzymes. Jusqu'à franchir le cap. Début 2021, il quitte EDF et se consacre à temps plein à son projet : faire naître, sur la ferme familiale,un whisky 100% local, du champ à la bouteille.

Labarrere 1773 : l'esprit d'un lieu, le fruit d'une passion
Le projet prend forme dans les anciens bâtiments agricoles entièrement rénovés, isolés pour limiter les déperditions d'énergie. Tout est pensé pour être efficace, mais surtout efficient : « Aller du point A au point B avec un minimum d'énergie », aime-t-il le rappeler. Les levures sont sélectionnées, les fermentations optimisées, les cycles affinés.
Les fûts viennent des Landes, l’alambic du Gers. Le maïs ? Cultivé à quelques centaines de mètres.
Les premières cuvées, Initiale B et Initiale R, voient le jour officiellement en 2024. 1200 bouteilles, toutes rapidement vendues en direct ou chez des cavistes locaux : l'accueil est plus que positif !
Le whisky comme projet de territoire
Au-delà de la réussite artisanale et du produit, Romain défend une vision plus large. Celle d'une agriculture relocalisée, valorisée, d'une économie circulaire où chaque euro injecté reste sur le territoire et où chaque artisan impliqué vient du coin.
L'avenir ? Son ambition n’est pas d’avoir une croissance exponentielle, mais une stabilité : environ 4000 bouteilles par an, une gamme étoffée, une salle d'accueil pour les visites, et toujours cette volonté de faire venir du monde au cœur de la campagne béarnaise. « Faire du bon, du local, du transparent. Et que la ferme ne s'arrête pas à moi. »
Dans chaque bouteille de Labarrere 1773, c'est un peu du Béarn que l'on déguste : un territoire, un savoir-faire, une histoire et une transmission.
« L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération »