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Sandra Pasteur Sallafranque : écrire pour faire vivre la mémoire du Béarn

Une ferme, un héritage, une promesse

Au creux des collines béarnaises, là où les chemins serpentent entre bois et prairies, Sandra veille sur une ferme héritée de génération en génération. Fière d’être paysanne, elle vit là simplement, entre jardin, volailles et souvenirs. Mais ce lieu, qu’elle appelle « Maison Arrabiot », du nom du ruisseau qui le traverse, n’est pas qu’un toit ou un morceau terre. C’est un repère, un socle, une mémoire vivante.

« Dans l’origine du mot paysan, il y a payspaysage… Le paysan, c’est celui qui façonne le pays, qui travaille le paysage avec amour et passion, dans le but de perpétuer le savoir appris des siens jadis. » Ces mots, Sandra les incarne au quotidien, dans ses gestes simples et son attachement profond à cette terre qu’elle continue de faire vivre, coûte que coûte.

Si l’exploitation agricole ne rapporte plus, elle n’envisage pas de vendre. « Je n’ai pas de dettes. Et j’ai ce bout de terre, ce patrimoine. Je tiens à le garder », confie-t-elle. Peut-être que sa fille y reviendra un jour, peut-être que la maison accueillera des chevaux, peu importe : tant qu’elle peut entretenir ce lieu, elle le fera.

Vivre ici, c’est faire le choix du lien, du temps long et d’un quotidien qu’elle mène avec une forme de sobriété joyeuse, entre autonomie alimentaire et vie rythmée par les saisons.

Une écriture enracinée

Ce lien à la terre se prolonge dans l’écriture. Depuis plusieurs années, Sandra publie des ouvrages à son image : sincères, sensibles, enracinés. Entre récits inspirés de la mémoire familiale, histoires ancrées dans le Béarn et ouvrages illustrés, chacun reflète son désir de transmettre.

Ce besoin d’écrire est d’abord né d’un trop-plein. « C’était un exutoire au départ. Aujourd’hui, c’est un vrai plaisir », dit-elle. Et ce plaisir, elle le partage désormais avec un lectorat fidèle, touché par la justesse de ses mots et la simplicité de ses récits.

Parmi ses projets actuels, l’un lui tient particulièrement à cœur : raconter l’histoire de sa lignée, à travers deux figures fondatrices. D’un côté, son grand-père maternel, tringlot pendant la Première Guerre mondiale, ces soldats de l’arrière, souvent oubliés, qui ravitaillaient le front en vivres, eau, munitions, barbelés, au péril de leur vie. De l’autre, sa grand-mère, Julie Tresaugue, une femme simple et forte, née sur cette ferme, dont la disparition précoce a laissé une empreinte sur les générations suivantes.

À travers leurs destins et ceux qui les ont précédés, Sandra explore un fil rouge traversant les siècles : celui de la résilience. Depuis la fondation de la ferme en 1584, cette terre a connu des épreuves, des révolutions, des guerres, des bouleversements, mais elle est restée debout, portée par ceux qui l’ont aimée et préservée.

Elle retrouve des archives, des lettres, des traces. Et c’est toute une fresque familiale qu’elle tisse, entre les Pyrénées, l’Atlantique, et les grandes plaines de Californie.

Contes de campagne : transmettre l’âme du Béarn

Parmi ses nombreux ouvrages, Contes de campagne, publié en 2024 aux éditions Savine Dewilde, occupe une place particulière. Dans ce recueil, Sandra redonne vie aux veillées d’autrefois, celles où l’on s’installait au coin du feu pour écouter les anciens raconter. Ces contes, entre légendes rurales et récits inspirés du quotidien, sont un hommage vibrant à une culture orale en voie de disparition.

On y retrouve les accents de la langue d’Oc, les paysages familiers de la vallée d’Ossau, les bêtes, les montagnes, les figures de village. Rien n’est idéalisé, tout est empreint de cette chaleur simple qui fait le charme du Béarn.

Dans la même veine, Sandra a publié Contes de montagne, destiné à la jeunesse, ainsi que Dans ma vallée coule le gave, dans mes veines coule la lave, et Edelweiss, la fille de l'Ossau, des ouvrages aux accents plus poétiques, qui traduisent son attachement viscéral à sa vallée natale. Ses livres sont souvent illustrés, parfois traduits en gros caractères, pour rester accessibles à tous.

Une ambassadrice par les mots

Rejoindre le réseau des Ambassadeurs du Béarn s’est imposé naturellement. Pour Sandra, il ne s’agit pas de représenter ou de revendiquer, mais de partager ce qu’elle vit, ce qu’elle aime, ce qu’elle écrit. Elle raconte souvent qu’anciens collègues ou amis de la marine (où elle a longtemps travaillé) découvrent ses livres et finissent par vouloir venir ici, "voir ce pays dont elle parle".

Par ses mots, elle tisse des ponts, entre passé et présent, entre ici et ailleurs, entre les générations.

Écrire est devenu, pour elle, un acte de transmission, un hommage discret mais précieux aux siens. « Laisser une trace », dit-elle. Une mémoire en héritage, enracinée dans la terre béarnaise, vivante et sensible.