Portrait d’ambassadeur :
Vincent Moulia : expert et amateur de la race béarnaise
Originaire d’Orthez, « la capitale du Béarn », Vincent Moulia a une vraie attirance pour la ruralité. Lorsqu’il envisage des études supérieures, il opte pour un BTS Gestion protection de la nature en Corrèze et BTS Gestion propriété agricole en Dordogne. Son projet de l’époque : « Même si je n’ai pas grandi dans une ferme, je voulais m’installer sur le plateau du Bénou et monter, avec un ami, une ferme auberge… »
Pour réaliser son projet, il va passer un an auprès d’un agriculteur qui possède un troupeau de 40 vaches dont 3 béarnaises. C’est là qu’il rencontre pour la première fois celle qui allait devenir sa vache de prédilection. Il ne la quittera plus !
« C’était une grande race française qui a gagné de nombreux concours et qui était la compagne du paysan béarnais. Il se levait le matin, allait la nourrir, puis il installait le jouc et partait travailler ensemble la terre. Le soir, il s’occupait d’elle et ensuite seulement allait s’occuper de lui. C’était sa compagne vitale, car elle lui fournissait du lait, de la viande en fin de carrière, lui permettait d’avoir un veau qu’il élevait pour faire un boeuf qui pouvait partir sur d’autres territoires. Et puis, c’était son tracteur de l’époque. Dès que l’on avait deux vaches, on pouvait les atteler et travailler la terre, avoir du blé et donc du pain, se nourrir et espérer avoir trop pour pouvoir vendre et améliorer son quotidien. C’est une vache qui faisait partie de la famille ! »
Cette race a pratiquement disparu après la Seconde Guerre Mondiale. La politique agricole de l’époque préconisait une limitation des races d’animaux et orientait les croisements pour sélectionner des races à viande et d’autres à lait. Dans l’Est, il y avait la charolaise en race à viande. Dans le Sud-Ouest, les croisements entre la Blonde du Quercy, la Garonnaise et la Blonde des Pyrénées ont donné la Blonde d’Aquitaine. Dans les années 78, nouvelle prise de conscience, marche arrière, les autorités préconisent la sauvegarde de races souches. Il a fallu retrouver les dernières Blondes des Pyrénées (celles que l’on appelle aujourd’hui les Béarnaises) au fin fond de la vallée d’Aspe. « Heureusement, dans certains coins reculés du Béarn, les tracteurs n’avaient pas encore fait leur apparition et les vaches étaient encore attelées et traites pour le fromage. Grâce à ces bons Béarnais « cabourudes » qui voulaient garder la vache de la maison, des souches ont été sauvées. A l’aide du bouche à oreille, des animaux en race pure ont pu être retrouvés : 68 vaches et 3 taureaux en 1978. »
L’aventure commence alors avec une quinzaine d’éleveurs pour organiser et développer la base génétique. On organise la reproduction d’animaux sans lien de parenté : un mâle de la vallée d’Aspe avec une femelle de la vallée d’Ossau. Si le petit est un mâle, on récupère les paillettes en semence. Petit à petit, une réserve génétique de semences se créée. « Aujourd’hui, nous avons une vingtaine de taureaux en insémination et près de 500 animaux tout confondu. C’est encore une race à très petit effectif, menacée de disparition. Tout le monde connaît le sort des ours polaires et des girafes alors qu’ils sont quelques dizaines de milliers, et personne ne sait que de vaches béarnaises, il n’en reste que 500 têtes au monde ! La biodiversité sauvage, c’est bien, mais pour la biodiversité domestique, il reste encore beaucoup à faire ! »
Vincent est séduit par cette race si particulière, sa prestance, et son caractère. « Ces vaches sont différentes, de par leurs cornes mais aussi par leur tempérament. Leur relation à l’homme est tantôt un peu plus proche, tantôt plus méfiante. Elles sont plus malines que les autres et restent très braves. Dans un troupeau, elles peuvent vous mettre le bazar. Un peu comme les Béarnais, il ne faut pas leur faire le même tour deux fois ! ».
Finalement, la ferme auberge ne verra pas le jour, mais Vincent intègre l’association « la vache béarnaise » : « Nous avons débarqué lors d’une Assemblée Générale. Les anciens, les deux Bernard (MORA, Président depuis la création de l’association et CIMORA co-fondateurs), se battaient contre vents et marées pour sauver des vaches et tentaient de mobiliser les troupes. C’était un peu la réunion de la dernière chance. Lorsqu’ils ont vu arriver quatre jeunes passionnés par la race béarnaise, ils nous ont adopté instantanément. » Vincent est resté bénévole et actif jusqu’en 2015. L’Association travaillait sur un plan de développement de 3 ans. « Il fallait un salarié qui fasse le lien entre les éleveurs et prenne en charge la promotion. Et comme j’étais là et que les éleveurs me connaissaient, c’est donc tout naturellement que j’ai pris le poste ». Depuis, ensemble, ils ont monté des dossiers, organisé un financement participatif, cultivé des réseaux annexes et rencontré de nouveaux fervents de la vache béarnaise.
Aujourd’hui, leurs activités soutenues par le Conservatoire des races d’Aquitaine sont la conservation génétique, l’accompagnement des éleveurs, l’organisation de rencontres, la participation collective à des Foires, comme celle d’Oloron en Mai ou celle d’Arudy à l’automne. L’idée maitresse étant de valoriser cette vache pour qu’elle gagne en valeur économique. « Nous organisons également des événements autour de la vache béarnaise comme en 2018 la fête pour les 15 ans de l’association et les 40 ans du programme de sauvegarde. En 2020, fin septembre, nous allons organiser une fête pour les 1200 ans du blason du Béarn au pied du Château du Montaner. Nous proposerons bien entendu à tous les ambassadeurs de nous rejoindre ».